Nous avons déjà vu des tentatives d’ingérence dans la vie privée par les assurances : certaines assurances automobiles proposent la pose de mouchards pour contrôler si vous roulez peu (et prudemment ?), pour vous proposer des polices d’assurance moins chères. Comment ça, ils savent où on va, tous nos trajets, ils savent mieux que votre épouse si vous allez souvent chez votre maîtresse, ils savent mieux que votre famille que vous développez un cancer vu votre fréquence de consultation de votre oncologue… ? Oui, mais les polices d’assurance sont moins chères, vous allez me dire…
On passe à la vitesse supérieure à présent. Est-ce que vous voulez une Apple Watch à 20 € ? Oui, vous avez bien lu : 20 € ! Et pour ceux qui n’aiment pas Apple, vous pouvez aussi avoir du matériel FitBit ! Cool ! Ils sont où, les petits caractères ? L’assurance-vie américaine John Hancock vous propose une police d’assurance avec des réductions tarifaires si vous leur partagez vos données de santé. Et pour les petits caractères pour le fun, si vous n’atteignez pas les objectifs mensuels fixés dans votre contrat d’assurance, vous payez un malus (assurance-vie « Vitality »). Donc, c’est certainement bientôt qu’une police d’assurance sera plus chère pour tout le monde, sauf pour ceux qui veulent bien jouer le jeu et partager leur nombre de pas dans la journée, leur rythme cardiaque au fil des jours…
La technologie propose de démocratiser des usages auparavant réservés à des niches. Dans le cas de John Hancock, il s’agit de la collecte par chaque personne de ses propres données de santé. Par la personne, ou bien par des sociétés privées qui le font « pour notre bien » ? Puisque nos données sont facilement collectées (plusieurs fois par minute, contre 2 ou 3 rendez-vous par an chez le médecin « dans la vie d’avant »), elles sont facilement diffusables. Officiellement dans le cas de John Hancock, certainement officieusement dans d’autres cas. Et comme toujours, on fait briller 2 ou 3 trucs pour jouer sur les émotions positives de la vache à lait (pardon, l’utilisateur) : le téléphone clignote dans tous les sens tandis que Candy Crush récupère toutes vos données personnelles (et les revend à qui ?), vous vous dépassez sportivement et on vous a offert une Apple Watch tandis que John Hancock récupère toutes vos données de santé (et en fait quoi ?)…
En France, on a la CNIL. Elle protège de la collecte des données de santé, hautement sensibles. Le RGPD a même renforcé cette situation. Ça, c’est la version officielle, juridique : on ne peut pas empêcher un utilisateur de partager volontairement ses données privées à la terre entière. En outre, tout le monde sait que la meilleure défense c’est l’attaque. La France et l’Europe se sont protégées contre le « vol » de données personnelles par les grandes entreprises du Web, merci RGPD. Elles se sont « protégées ». Contre les « attaques » des grandes entreprises du Web. Pourtant, certains analystes commencent à avancer une nouvelle vérité : il n’a jamais été aussi facile de récupérer légalement des données personnelles depuis l’entrée en vigueur du RGPD ! (RGPD, le jour d’après, Nos données personnelles sont-elles vraiment protégées avec le RGPD). Ce n’est qu’une question de temps pour que des programmes comme celui de John Hancock arrivent en France.
PS : cet article n’est pas une attaque contre l’entreprise John Hancock, je n’ai fait qu’illustrer mon propos en m’appuyant sur leur démarche commerciale officielle comme simple exemple.